[Lecture péda] : Le langage oral en maternelle / PARTIE 1

Je mets à jour les sommaire et remonte donc ces articles intéressants ! août 2017

péroz

Introduction

Lorsque l’on parle d’apprentissage du langage, on parle en réalité de la langue de l’école. Cette « langue de l’école » se distingue de la langue ordinaire par une caractéristique fondamentale : sa rationalité. C’est une langue explicite, véridique, structurée, normée et assurée.

Les élèves « silencieux » :

30% des E sont silencieux pendant les échanges !

Cependant, certains E silencieux sont capables de « dialogue interne » : ce ne sont pas de Petits Parleurs (PP), ils parlent et construisent dans leur tête. Ils sont capables de faire interagir 3 discours: discours de l’enseignant, discours de l’E et les notes prises. Il s’agit là d’un comportement expert et ne concerne qu’une minorité des E silencieux ! of course…

Il faut donc « accéder » au dialogue interne (ce qui permet aux E de garder en mémoire leur réponse suffisamment longtemps avant d’être interrogé). Or, le seul moyen d’entrainer le dialogue interne est la participation au dialogue pédagogique. « La maitrise du dialogue interne découle de la maitrise préalable du dialogue réel. »

> Une partie trop importante d’E n’atteint pas un  niveau satisfaisant en langage.

1. Pédagogie du langage
 * brève histoire des pédagogies du langage à l’école maternelle

> Pédagogie explicite

  • Travaux de Laurence Lentin (1972) : un regard nouveau de l’école sur les productions linguistiques.
  • Opposition entre « langage implicite » et « langage explicite ».
  • S’intéresse aux améliorations syntaxiques en reformulant de courts récits.

> Pédagogie de la communication – années 80

  • On ne parle pas sans « parler à ».
  • Volonté de sortir des situations artificielles de langage en proposant des situations « authentiques ». Mais elles se révèleront tout aussi artificielles puisque basées sur des jeux, saynètes…

> Pédagogie des situations – années 85-90

  • Agnès Florin : typologie Grands Parleurs (GP) – Moyens Parleurs (MP) – Petits Parleurs (PP)
  • On « redécouvre » que l’élève ne parle pas de la même manière selon les situations dans lesquelles il est engagé.

* Du dialogue pédagogique à l’école maternelle

> Le dialogue pédagogique ordinaire (DPO)

L’observation d’un DPO met en avant :

  • des interventions très (trop) nombreuses de la part de l’enseignant (M) ->la moitié du temps de parole total d’une séance !
  • des questions de plus en plus fermées, parce que le M souhaite guider
  • une volonté d’obtenir de la part des élèves (E) LA bonne réponse
  • une forme de dialogue, le plus souvent duelle entre le M et l’E (« oui, c’est bien Gérard », « et toi Gertrude, qu’est-ce que tu en penses ? »
  • les échanges ont ce rythme: Question / Réponse(s) / Evaluation (=retour du M)

Remarque : le terme « évaluation » ne doit pas être pris dans son sens habituel, il désigne ici l’intervention du M qui clôt l’échange et qui peut aussi amorcer l’échange suivant.

exemple (page 35) :

 1  M  Question  « Lobna qu’est-ce que tu veux dire sur les loups ? »
 2  E « Lobna »  Réponse  ils mangent les poules
 3  M  Evaluation  tu as vu ça où ?

Les limites du DPO :

L’intérêt du DPO est évident lorsqu’il s’agit de « diriger » les échanges, mais il a des inconvénients :

  • Il favorise l’intervention des GP (grands parleurs), des meilleurs E. Les autres interventions sont perçues comme inutiles puisqu’elles ne font pas avancer la séance.
  • Pour les E, se met en place une règle implicite : le but n’est pas de parler, mais de donner LA bonne réponse.
  • Ceci entraine un non-respect des règles de communication de la part des GP (ils n’attendent plus de lever le doigt puisque c’est la course à LA bonne réponse)
  • Sans le vouloir, il se développe dans ces séances (DPO) une tension concurrentielle entre les E.
  • La répétition de ce qui a déjà été dit est stigmatisée (ne se surprend-on pas souvent à dire « oui, mais on l’a déjà dit » – si ce n’est pas nous qui le faisons, c’est un GP qui s’en charge !). Donc les MP, PP et TPP ne participent pas …
  • Les objectifs notionnels priment sur les objectifs langagiers. Du coup, pris par le temps (des réponses « qui ne font pas avancer », qui ne mènent pas à l’objectif, au contenu fixés), le M finit souvent par interrompre les échanges pour introduire lui-même les notions. De ce fait, il y a une « sélection » des E invités à parler qui s’installe ; puis on valorise (évaluation positive) un peu plus lorsqu’ils donnent les réponses attendues (« oui…très bien Bidule ! »)
  • La direction du dialogue est plus ferme, « la tension concurrentielle entre E est plus forte : il vaut mieux ne pas répondre si l’on ne sait pas et il vaut mieux répondre avant les autres si l’on a une bonne idée. » (d’où la transgression des règles par les GP)
  • Conséquence directe sur la répartition du temps de parole : la moitié du temps est pris par le M, et sur l’autre moitié, les GP prennent la parole la moitié du temps ! il reste donc 1/4 de temps pour les autres (MP, PP et TPP)

On résume ?

résumé1

Les correctifs habituels au DPO :

Les groupes conversationnels. Ils peuvent aider certains E, mais ne touchent pas à l’essentiel; on ne s’attaque pas à ce qui fait vraiment problème.

Simplifier les questions. Le M passe à des questions de plus en plus fermées qui n’appellent qu’un seul mot de réponse. Les E produisent donc de très courtes séquences verbales. On ne fait toujours pas du langage …

Individualiser le questionnement. On donne une tâche à chaque E pour lui demander de verbaliser ce qu’il vient d’accomplir. Alors, oui, chaque E est interrogé (fiou quel boulot !) mais le temps de parole s’est considérablement réduit puisque le M pose encore plus de questions. Cette forme n’est qu’une succession d’interactions duelles.

Différencier le questionnement. Le M pose une 1è question ouverte, les GP répondent (exploration du thème). Puis les questions posées sont de plus en plus fermées et simples afin de solliciter les autres E directement (pour qui il ne reste que les « tâches de bas niveau »)

Conclusion…amère mais réelle (c’est moi qui le dit)

Le DPO ne développe pas les compétences langagières des plus faibles.

2. Pour une nouvelle pédagogie du langage

Première chose : si on veut développer les compétences langagières des E, arrêtons de parler (nous, les enseignants). Il faut perdre l’habitude de poser une nouvelle question dès qu’on a obtenu une réponse satisfaisante. Il faut repousser le moment de l’évaluation. D’où l’appellation « Dialogue Pédagogique à Evaluation Différée« .

* Le DPED

 > Les caractéristiques :

L’évaluation diagnostique grâce à la posture en retrait du M, ce qui lui permet d’écouter véritablement les E.

Structuration explicite du dialogue : pas d’enchainements de questions. Les échanges sont structurés autour de questions clés qui vont être reformulées de différentes manières. On oublie le questionnement prévu et directif.

Respect des règles conversationnelles. Puisque la pression concurrentielle entre E diminue, les E respectent les règles conversationnelles (lever le doigt, laisser parler les autres même s’ils répètent…)

Prise de parole des PP puisque le droit de répéter est établi.

Etayage entre E. Le M se tait, les E peuvent reprendre ce que les autres ont dit pour le reformuler ou le répéter.

Développement des conduites discursives de type argumentatif. Comme plusieurs E répondent successivement sans intervention du M, une forme de débat se met en place. Il est important de laisser les E reprendre des réponses, des idées et les reformuler. –> principe de l’empilement.

 > Les objectifs poursuivis dans le cadre du DPED

Favoriser l’allongement des prises de parole

La quantité de parole va favoriser la construction syntaxique : « le discours est le support des progrès syntaxiques et non l’inverse. »

La  réussite d’une séance se mesure au nombre et à la durée des prises de parole de la part des E. Ceci doit constituer l’objectif de toute séance de langage.

Permettre à chacun de prendre la parole

Pour cela, le M doit maitriser la gestion du temps:

  • en diminuant son temps de parole  (le nombre de ses interventions)
  • en faisant des interventions mesurées
  • en posant des questions choisies

Poursuivre autrement les apprentissages notionnels

Le M doit être plus exigeant. Son attitude est très importante: il doit montrer que la réponse est à construire. Il ne se contente pas de LA bonne réponse, il laisse le temps aux E de développer leurs idées. Par ailleurs, en veillant à s’adresser à tout le groupe lors de la phase évaluation, il fait état du bilan pour tous. Le retour de l’enseignant (évaluation) vient quand les réponses des E auront été suffisamment nombreuses et enrichies.

La séance est moins stressante. Les E se rendent rapidement compte de ce changement d’attitude : le M à la fois plus exigeant, mais aussi plus tolérant : on n’est pas obligé de donner la bonne réponse, on peut répéter, donner d’autres réponses, se tromper puisqu’il n’intervient pas tout de suite pour évaluer la réponse donnée. La pression concurrentielle diminue et le stress diminuant, la séance s’allonge !

Les savoirs se construisent collectivement. Les acquisitions se font plus lentement en DPED puisque le M n’aide pas les E par des questions en rafale de plus en plus fermées jusqu’à ce qu’elles appellent la réponse attendue. Cependant, les acquisitions se construisent de manière collective grâce aux échos des réponses entre elles, répétitions et autres reformulations qui vont former peu à peu la réponse.

L’enseignant met en scène ces 2 moments : le questionnement et l’évaluation. Ainsi, les E comprennent ce qui est en jeu dans le dialogue pédagogique, et ce qu’ils doivent en retenir.

> La règle fondamentale : le droit de répéter

Cependant, le M conserve une exigence : ne pas sortir du thème.

 Si vous avez suivi, et que ça vous parle … Petite mindmap récapitulative :

mindmap1
>> Retour à l’article SOMMAIRE de l’ouvrage de Pierre Péroz

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10 commentaires sur “[Lecture péda] : Le langage oral en maternelle / PARTIE 1

  1. Bravo ! Quel travail fourni !!! Merci pour tout !

    En ce qui concerne cet article, pourrais-tu donner un exemple concret de DPED pour illustrer, merci.

    1. Caroline, je ne peus retranscrire un modèle de DPED (question de droits d’auteur). Pour te faire une idèe plus précise, regarde les liens des conférences en ligne (donnés ds l’article qui sert de sommaire), P Péroz en donne des exemples !

  2. Oh que je suis heureuse que quelqu’un cite l’ouvrage de M. Peroz qui fut mon professeur à l’IUFM et avec qui j’ai pu expérimenter lors de minis stages. Aujourd’hui encore, j’utilise ses méthodes de travail et ça porte vraiment ses fruits !!!!! Je complète le tout par un peu de Boisseau.

  3. Elle est parfaite, elle résume bien l’article … qui est très intéressant lui-aussi….hâte de lire la suite

    PS : merci de penser à moi, je suis toute émue ! :I-see-stars:

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